Les startups de nos régions ont du talent #3 Kermap 🛰
J’ai rarement eu l’occasion d’interviewer des personnes travaillant de près ou de loin dans l’univers du…spatial. Je ne veux pas vous spoiler mais je peux vous dire qu’il s’en passe des choses en Bretagne dans ce secteur ! Aujourd’hui, on va parler de Kermap, une startup qui a pour ambition de rendre l’information satellite compréhensible par toutes et tous.
Pour ce nouvel interview, j’ai le plaisir de recevoir Yann Daoulas, responsable communication & marketing ainsi qu’Antoine Lefebvre, CEO & co-fondateur de Kermap.
Comment est né le projet Kermap ?
Les images satellites et aériennes représentent une riche mine d’informations pour un certain nombre d’acteurs publics et privés. La problématique : comment exploiter ces images ?
Partis de ce constat, en 2017, trois passionnés – Antoine Lefebvre, Nicolas Beaugendre et Thomas Corpetti – ont décidé de s’attaquer à cet enjeu en créant Kermap, une société de géo-intelligence qui fournit des indicateurs « clé en main » pour ses clients à travers le traitement de masse de données satellites et géographiques.
A quel(s) secteur(s) s'adresse Kermap ?
Concrètement, les secteurs dans lesquels Kermap peut intervenir n’ont pas de limites : agriculture, immobilier, urbanisme sont des exemples parmi bien d’autres. Par exemple, si l’on veut suivre les dynamiques agricoles à l’échelle d’un pays, ceci est désormais rendu possible grâce à l’exploitation de données satellites, couplée à un ingénieux système déployé par la startup rennaise. Auparavant, seules des remontées d’enquêtes terrain étaient faites…et avaient leurs limites (impossible de remonter des informations à propos de parcelles privées, etc).
L’une des vocations de la startup est de rendre disponible l’usage des données venant du spatial à tout type de marché.
Quels-sont les services proposés par la startup ?
« Nous avons 3 champs de compétences : on produit de la donnée sur la base d’informations satellites. Une fois produite, on peut en extraire des indicateurs clés à travers de l’analyse. Enfin, on la valorise à travers des plateformes ergonomiques dans différents secteurs. » nous mentionne Yann.
Kermap a déjà développé plusieurs plateformes parmi lesquelles « Nos Villes Vertes » (2019). Il s’agit d’un site ludique « qui peut être pris en main par n’importe qui », ayant pour objectif de fournir des informations sur le patrimoine arboré français. La plateforme permet d’avoir accès à la végétation de n’importe quelle commune grâce à des images aériennes haute résolution de l’Institut géographique national (IGN), interprétées par un travail de Deep Learning réalisé par la startup. Plus récemment, Kermap a développé le nouvel outil « Klover » capable de comparer la présence de la nature dans les grandes métropoles à l’échelle mondiale. Ces plateformes contribuent par ailleurs à montrer l’impact du réchauffement climatique sur les territoires.
Le dernier projet en date s’appelle « Nimbo » : une solution cartographique montrant l’évolution de la Terre par images satellites. Elle s’adresse à toutes les personnes intéressées par les données sur les transformations des territoires grâce à une plateforme de visualisation en ligne. Côté pro, la solution permet aussi d’obtenir les données de suivi des cultures par API grâce à l’identification des parcelles illustrée sur agri.nimbo.earth).
Quels-sont les enjeux de Kermap ?
Des données précises, fiables grâce à une expertise : Kermap propose des informations stratégiques que la startup arrive à actualiser tous les mois grâce aux données satellites. L’interprétation de données grâce à l’IA (intelligence artificielle) et en particulier grâce au Deep learning permet d’automatiser l’extraction de données et faciliter leur visualisation.
La conviction qu’il est possible d’ouvrir les données satellites à tous : « On démystifie ces données à travers des plateformes ergonomiques » témoigne Antoine. L’acculturation est un sacré enjeu, la communauté du spatial étant encore beaucoup de l’entre-soi. « Les technologies liées au spatial ont encore du mal à être utilisées en 2022 ».
Combien de personnes composent votre Ă©quipe ?
Aujourd’hui, l’entreprise compte 16 personnes. « Nous avons des profils qui vont des data scientists qui développent des modèles d’IA, aux techniciens experts en analyse de données et compréhension d’images satellites, en passant par une équipe de développeurs web ».
Coment déploie-t-on une startup dans un tel secteur ?
« Il s’agit avant tout d’un travail de passionnés de ces technologies-là , du spatial, des dynamiques qu’il y a sur terre » nous rappelle Antoine. La passion est l’une des valeurs des fondateurs. En effet, en regardant les parcours d’Antoine et Nicolas, il faut croire qu’ils étaient prédestinés à entreprendre dans la spatial. Antoine a fait un doctorat en traitement de l’image satellite, il a ensuite travaillé dans le privé avant de mener des travaux de recherche pour le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales). Nicolas a quant à lui fait des études de géophysique, il s’est lancé en tant qu’indépendant, puis a rejoint une ONG en Afrique toujours en lien avec la production et la valorisation de données. Les deux co-fondateurs se sont croisés au cours de différentes expériences professionnelles et ont fini par lancer Kermap !
Antoine nous confie que « c’est comme ça qu’on crée une entreprise innovante : en sachant comment fonctionne la recherche académique tout en connaissant les enjeux d’une entreprise privée et comment répondre aux besoins des clients ».
Qualifieriez-vous la Bretagne comme propice au développement d'une startup telle que Kermap ?
Kermap a toujours été bien accompagnée, notamment par les nombreux organismes dont dispose la Région Bretagne. La startup a aussi été accompagnée par le Poool (côté ex-Rennes Atalante) et le Village by CA. L’incubateur IMT Atlantique a également « beaucoup contribué à leur développement », en leur fournissant de l’accompagnement entrepreneurial et des premiers bureaux. La startup a désormais des bureaux chez Digital Square, une pépinière d’entreprises de la tech (IoT et autres) développée par Rennes Métropole.
Côté recrutement, « le bassin d’emploi est riche, il y a tous types de profils à Rennes, aussi bien très spécialisés que marketing ou autre ». Pas de doute, la Bretagne est une région qui attire avec Rennes sur le palmarès des villes où il fait bon vivre alors niveau recrutement, c’est dynamique ! De plus, dans le secteur du spatial, il faut savoir qu’à l’échelle européenne, la Bretagne est bien identifiée, en témoigne la présence de plusieurs autres startups telles qu’UnseenLabs par exemple.
Antoine nous mentionne également la présence en Bretagne de plusieurs réseaux qui favorisent les échanges entre entrepreneurs, tels que « Réseau Entreprendre » dont il est membre.
Qui sont vos clients ? Quelles-sont leurs problématiques ?
« La majorité de nos clients sont des acteurs publics, beaucoup d’organisations à l’échelle d’une commune jusqu’à l’Etat : métropoles, régions, Ministère de l’Agriculture. » L’entreprise traite également avec quelques acteurs privés sur le secteur agricole par exemple. Yann nous mentionne une problématique commune à tous les clients de la startup : « accompagner la transition écologique et climatique ».
Les informations partagées par Kermap sont particulièrement importantes car elles permettent de suivre les transformations des territoires : pour rappel, ce sont des informations disponibles ! « Nous les mettons clé en main des structures qui en ont besoin » explique Yann.
Êtes-vous sur un marché concurrentiel ? Des acteurs sont-ils déjà présents sur votre marché, avec une démarche similaire ?
Il existe de nombreux types de concurrents dans cet écosystème : « Historiquement, il y a Airbus qui se positionne sur plusieurs segments comme le service et la production de données ou encore l’imagerie satellite ». Il y a également des acteurs classiques comme des PME qui s’étaient lancées dans le secteur du spatial dans les années 90.
Aujourd’hui, grâce à l’avènement de l’IA, Kermap est capable de proposer l’usage de nouvelles technologies plus efficientes pour exploiter les données satellites. L’agilité de la startup lui confère une facilité à aller se positionner sur des nouveaux segments. En témoigne l’enjeu de la connaissance de la végétation en ville : « jusqu’alors, il y avait un réel besoin mais pas de réponse côté production et traitement de données ».
Yann et Antoine s’accordent sur les points suivants : « Aujourd’hui, les calculs dans le cloud, le Machine Learning (ou « apprentissage automatique »), les performances rendues possibles grâce au numérique permettent aux startups de fournir des services de meilleure qualité, à plus grande échelle ». Le contexte de calculs et d’infrastructures disponibles permettent à Kermap d’exister.
Quelles-sont les prochaines étapes de développement ?
Côté développement de nouvelles solutions, Yann et Antoine nous apportent quelques précisions sur « Nimbo ». « Ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est qu’en 2022 on va lancer un véritable produit sur lequel on pourra s’abonner en ligne directement. Là où on fait actuellement de la vente par produit au cas par cas en B2B très classique, on va pouvoir lancer une plateforme en freemium. N’importe qui pourra visualiser les données et s’abonner ». « Nimbo est un produit qui va permettre à la fois de visualiser via une plateforme la carte de la Terre mois après mois (pour les particuliers), et qui va aussi permettre aux entreprises et acteurs publics de récupérer des données par une API ».
Antoine poursuit : « [Nimbo] va venir bousculer notre modèle économique, on compte sur le développement d’une communauté d’utilisateurs qui va se servir de la solution de manière récurrente ». Affaire à suivre très prochainement : stay tuned, lancement imminent !
Côté ressources humaines, la startup prévoit la structuration de son pôle commercial pour 2022 ainsi que des recrutements dans l’équipe technique (data scientists, ingénieurs).
➡ Kermap